La princesse Astrid emmène une imposante mission économique au Japon toute cette semaine. ©BELGA

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La réouverture des frontières japonaises a ravi de nombreuses sociétés belges, qui profitent d’une mission économique, cette semaine, pour renouer les contacts.

Ils sont arrivés en masse tout au long du week-end. Entrepreneurs, académiques ou officiels et ministres, la délégation belge en déplacement au Japon avec la princesse Astrid dans le cadre de la mission économique compte pas moins de 575 acteurs belges. Une caravane princière de poids, qui transporte 51 entreprises wallonnes, avec des noms comme I-Care, John Cockerill, Incize, Realco et bien d’autres.

Le secteur du gaming est aussi présent en force pour sillonner les routes du Japon, de Tokyo à Kyoto, tout au long de la semaine. Bienvenue au pays du Soleil-Levant à l’heure des grandes retrouvailles…

« Pas de blagues belges »

Ce retour des entrepreneurs belges en terres nipponnes, qui étaient restées inaccessibles pendant la crise du covid – les frontières du pays ont été rouvertes début octobre -, est vu comme un grand soulagement. « Gérer des relations à distance avec nos contacts japonais, c’était quelque chose de compliqué. C’est vraiment important de pouvoir se revoir après quatre années où nous n’avions plus eu la possibilité d’avoir un rendez-vous physique avec notre distributeur », explique Constance Clarisse, responsable commerciale de la société THT, une filiale de Puratos spécialisée dans les probiotiques et la fermentation de bactéries pour l’industrie alimentaire et de la santé. « Cette mission économique tombe à point nommé. C’était vraiment compliqué de négocier des contrats », reconnaît Pascale Delcomminette, l’administratrice-déléguée de l’Awex.

Au pays des traditions, le souci du détail a évidemment toute son importance. Même dans le business et lors de retrouvailles! Entre les règles pour s’asseoir lors d’une réunion avec un prospect et la façon de mener une réunion de travail au Japon, l’ambassadrice belge Roxane de Bilderling n’a pas manqué de rappeler aux entrepreneurs en début de mission que l’humour japonais n’est pas forcément le même que celui des Belges. « Faites attention avec les blagues belges. Elles seront peut-être mal comprises ici. »

Marché premium

Derrière ce clin d’oeil bien belge, le Japon reste un marché exigeant, par la barrière de la langue, la distance et le souci du détail. « Ils sont pointilleux sur la qualité. Il y a un gros gap en termes de normes d’hygiènes entre le marché japonais et la Wallonie », reconnaît Constance Clarisse. Le souci du détail va jusqu’à demander quelle sera la couleur de la machine. Il fait, par contre, du Japon un terrain de choix pour tout ce qui tourne autour des produits premium. « Le Japon, c’est un marché de croissance pour nos gaufres. Et d’une manière générale, nous allons beaucoup nous développer en Asie d’ici cinq à dix ans », espère Frank Roseau, CEO d’Avieta.

Basé à Wanze, Avieta produit environ 150 millions de gaufres par an. « Nous vendons 90% de nos produits à l’exportation. Nous nous positionnons dans le segment premium. En Belgique, le marché est mature et c’est le prix qui compte. Ici, au Japon, on nous demande des gaufres pur beurre. C’est ce qui a de plus cher, mais la tradition culinaire fait en sorte que les Japonais sont prêts à mettre le prix. »

Cette même tradition culinaire a poussé Pipaillon, une conserverie bruxelloise spécialisée dans des produits de bouche (confitures, tapenades, chutneys et sirops artisanaux), à retenter l’aventure nipponne après une première tentative avortée en 2020 à cause du covid. « Nous nous apprêtions à conclure. Cette mission va nous permettre de renouer avec nos anciens contacts. Elle nous donne directement accès, chez le distributeur japonais, à un responsable de haut-niveau », explique sa patronne Catherine Bodson, qui pointe à son tour l’exigence japonaise. « Les produits importés doivent être d’une qualité exceptionnelle. C’est un marché extrêmement complexe avec, notamment, énormément de documents administratifs à remplir. Mais si vous arrivez à le pénétrer, cela veut dire que plus aucun marché n’est impossible pour votre entreprise. »

Philippe Stassen en sait quelque chose. À la tête de l’entreprise Neobulles avec sa fille Anne, il vend ici des boissons sans alcool depuis près de 15 ans. « C’est de la patience et de la connaissance de leur culture ». Il fait cependant figure d’exception avec sa Bière des Amis sans alcool. « Pendant toute la période du covid, les autorités japonaises ont interdit la vente d’alcool dans l’horeca. Nos ventes ont fait fois 2,5 pendant le covid. »

La compétitivité belge

Complexe, le marché japonais se mérite peut-être plus qu’un autre. « Mais la fidélité est là! », rassure l’ambassadrice. Ce n’est donc pas un hasard si la Belgique envoie ici une mission économique pour la sixième fois depuis 1990. « Et la présence de la princesse Astrid donne de la crédibilité au Japonais », confirme Pascale Delcomminette, qui rappelle qu’en plus d’être le 11e client de la Wallonie, le Japon est le troisième plus grand marché au monde. « Mais c’est aussi une porte d’entrée test pour le marché asiatique. » Pour Neobulles, le Japon n’est ni plus ni moins que son deuxième marché à la grande exportation, après le Canada.

Le monde a évidemment changé depuis le covid et la crise énergétique qui frappe l’Europe n’est pas à sous-estimer pour la compétitivité des entreprises. « Dans les discussions, nous parlons toujours en premier de la qualité et du produit. Tant que la qualité est au rendez-vous, c’est parfait pour les Japonais. Mais il faudra aussi aborder la question du prix. En janvier, ce sera la quatrième hausse de prix », regrette le patron d’Avieta.

À travers cette tempête, Frank Roseau s’en remet donc à l’agilité des entrepreneurs. « Nous sommes particulièrement touchés par la crise énergétique avec la hausse des matières premières, comme le sucre et les matières grasses. Le prix des oeufs, quant à lui, a été multiplié par deux en quelques mois avec la grippe aviaire.

Il y a aussi l’indexation des salaires. Cela demande beaucoup de communication avec le client. Mais faire des concessions sur la qualité des produits, ce serait un piège pour les exportations belges. Surtout au Japon. »

Cette hausse de prix sera également sur la table au moment des retrouvailles pour l’entreprise THT. « Nous avons déjà eu une hausse de 14% cette année et nous allons devoir augmenter les prix en janvier. Ils ont accepté, mais ils veulent pouvoir anticiper les hausses. Heureusement, mon contact me dit qu’il paie pour de la qualité. »

Philippe Stassen sait, lui, qu’il devra probablement faire le gros dos, tant à l’international qu’en Belgique. « On l’accepte, mais on espère que cela ira mieux en 2024. »

La Bière des Amis à la conquête du pays du saké

Que serait une mission économique sans une séance de signature de contrats ou d’accords de partenariats. Présent depuis 15 ans, Neobulles a frappé un grand coup, lundi soir, en signant avec différents distributeurs un accord qui va permettre à l’entreprise de la famille Stassen de pénétrer avec ses boissons sans alcool notamment le réseau des stations-service le long des autoroutes au Japon. Son vin pétillant sans alcool, lui, est proposé aux voyageurs de la compagnie Japan Airlines depuis le 1er décembre. « Nous devrions doubler nos volumes d’ici cinq ans », pour flirter avec le million de bouteilles, espère Philippe Stassen.

De son côté, la start-up Incize est spécialisée dans l’aide au développement des technologies autour des semiconducteurs. Comme pour les autres, ce grand retour lui offre la possibilité de revoir un client. « La signature de ce memorandum of understanding (MOU) avec Modech permet de renforcer nos liens avec cet acteur du monde des semiconducteurs », explique son fondateur et CEO Mostafa Emam. Quant à l’entreprise Realco, spécialisée dans les solutions d’hygiène issues de la chimie verte, elle s’allie avec E-OCT pour commercialiser les produits « eezym » sur le territoire japonais.

 

Source: L’Echo

Date: 15 décembre 2022

Journaliste:FRANÇOIS-XAVIER LEFÈVRE

Sources photos : Wallonia Export & Investment Agency